coup dur sur l'odyssée
Mardi dernier, lors de l'arrêt à Tomsk, il y a eu un drame au sein de
la meute. Les chiens étaient à l'abri du froid dans une tente
spécialement aménagée pour eux. Sans que personne sache ce qui s'est
vraiment passé, le steack-out – ligne qui permet de séparer les chiens
à l'arrêt – a cassé. Les chiens ont commencé à jouer. Malheureusement,
le jeu a dégénéré en bagarre et les chiens s'en sont pris à Narsuak.
Celui-ci a été conduit à la clinique vétérinaire de Tomsk, où tous les
spécialistes locaux ont donné leur avis. Mais ils n'ont rien pu faire,
le chien ayant fait un arrêt cardiaque.
Nicolas est très marqué par la perte de ce chien, le plus jeune de la
meute, studieux et généreux. C'est celui qui avait échangé ses yeux
avec Harfang !
Cet accident a tout de même désorganisé la meute et pose des problèmes
pour avancer. Nicolas a décidé de faire venir un autre chien du Canada.
Ce serait Tagish, qui a suivi l'entraînement tout l'été. Maintenant il
faut organiser le déplacement du chien…pour rejoindre l'Odyssée. Il
fera le voyage avec Dominique Grandjean, pompier et vétérinaire, le
plus grand spécialiste des chiens de traîneau. De quoi rassurer Nicolas.
Affecté, mais opinîatre, Nicolas est reparti le 18 janvier aux aurores,
après un dernier coucou à sa famille et à tous ceux qui l'avaient
accueilli si chaleureusement à Tomsk.
C'est la taïga qui l'attend maintenant et ce pour de nombreux
kilomètres. Déjà à 400 km de Tomsk, du côté de Tchajemto, il avance par
une température de – 40°C, et un beau soleil d'hiver. Les pisteurs sont
200 km devant lui. Mais le vent pousse la poudreuse sur la piste, la
cachant ainsi aux chiens et au musher.
La taïga, forêt en russe, est le plus grand biome, ou écosystème,
terrestre. On l'appelle aussi forêt boréale, Boréale étant la déesse
grecque du vent du Nord. C'est une ceinture de forêts, dominées par les
conifères, encerclant l'hémisphère nordique de l'Amérique du Nord, en
passant par l'Europe et la Russie. Mais la taïga fait l'objet d'un
vaste programme de coupe massive et arbitraire. Les arbres de cette
région fournissent la matière première pour la fabrication de la pulpe
de papier. On y trouve des bouleaux, des trembles, des sapins.
La faune est aussi très variée : à chacun de raconter qu'il a croisé
des tétras, pic-vert des neiges, zibelines, renards, lièvres polaires,
chevreuils ou élans, visons et hermines, lynx et orignal…
Au détour d'un arbre, Nicolas a rencontré un chasseur à ski, Benyamin,
qui lui a expliqué comment il respectait la nature et ses méthodes de
chasse respectant chaque animal. Un vrai « dernier trappeur » ! A
chaque fois qu'il passe à proximité d'une maison, les habitants veulent
le recevoir et lui offrent spontanément qui un bol de thé chaud et un
blini avec de la confiture d'airelles, qui un rayon de miel de sa
ruche. Quelle chaleur de voir une telle hospitalité dans une contrée
aussi rude par cette saison.
La piste longe un gazoduc (enterré) et l'Ob pour remonter jusqu'à
Sorgout. L'exploitation des réserves de gaz a nécessité l'installation
de nombreuses infrastructures : villes nouvelles, réseaux ferrovière et
routier, déforestation. Ce qui perturbe sérieusement les peuples
indigènes. Leurs terrains de chasse et d'élevage se réduisent
dangereusement, les poissons dans les rivières, les animaux dans la
toundra souffrent de la pollution. Or la vie des autochtones est
étroitement liée à la pêche et à la chasse.
Allez, courage ! La route est encore longue jusqu'à Moscou.
Et Nicolas d'encourager sa meute : « Yep, Dgi, davaï, davaï les chiens ! »